(Emmanuel Chabrier : «Il y a deux espèces de musique : la bonne et la mauvaise. Et puis il y a la musique d'Ambroise Thomas»)
Certains pensent qu'être passionné de musique contemporaine ne peut être qu'une forme de snobisme puisqu'ils leur semble impossible d'aimer sincèrement cette soi-disant musique !
Pourtant cette passion n'est pas aveugle et ne rend pas sourd ! A la longue, notre écoute s'affine, s'élargit et on finit par s'autoriser à critiquer fortement tel compositeur qu'on avait pourtant jusque-là beaucoup aimé.
Il en est ainsi de Bruno Mantovani.
A plusieurs reprises dans ces c'roch'notes (ici par exemple^) on a dit tout le bien qu'on en pensait, la magnificence de son écriture orchestrale, la beauté du choix des timbres, la séduction immédiate que procurait ses nombreuses compositions. A chaque fois cependant on y mettait un discret ♭ en craignant qu'il frôle le génie sans jamais l'atteindre.
Nous attendions donc avec une grande impatience la création de son opéra "Akhmatova^" dont le livret évoque des pans de la vie de cette poétesse russe qui vécut pendant la noire période du stalinisme. Nos places étaient réservées depuis longtemps à la Bastille et nous avions pris soin de ne lire aucune critique de la première. J'avais d'ailleurs à plusieurs reprises coupé la radio pour ne pas écouter les chroniqueurs qui se proposaient d'en parler, afin d'y aller sans aucune idée préconçue qui aurait pu en fausser l'écoute.
Quelle déception !
La luxuriance de l'orchestration est toujours là mais on comprend vite que ce sont toujours les mêmes formules, les mêmes tics d'écriture tout au long du spectacle : aucune variation, aucun changement de ton, aucune surprise.
Inlassablement, l'orchestre se fait discret pendant le chant pour reprendre et ponctuer violemment chaque fin de phrases à grands coups de tutti et de percussions stériles.
Régulièrement s'interposent quelques interludes plus calmes, de courtes gammes ascendantes ou descendantes des différents groupes d'instruments, séduisants au début puis toujours semblables à eux-mêmes.
Ce qui pourrait être intéressant pendant les premières scènes tourne au procédé systématique, devient vite lassant, puis franchement ridicule quand ça dure deux heures ... et qu'on les attend.
Même quelques interventions bienvenues de l'accordéon n'arrivent pas à nous toucher.
Quant au chant ... Là aussi, aucune imagination, aucune variation, aucune mise en valeur des voix, c'est morne et ennuyeux. C'est comme si Berio, Stockhausen, Aperghis, etc. (sans parler de tous les grands anciens) n'avaient jamais existé. Ou que Mantovani n'avait tiré aucun enseignement de ceux qui l'ont précédé, ou qu'il ne les avait jamais entendus ... à moins qu'il n'ait décidé de les ignorer superbement.
Comme pour l'accordéon, la tessiture du contre-ténor ne nous émeut pas, alors qu'il avait été si bien utilisé par Ligeti ou Eötvös.
La mise en scène et les décors, malgré quelques trouvailles, n'ont pas sauvé la soirée. Soulignons cependant la qualité du livret.
Certains critiques ont trouvé ridicule la diction des chanteurs, qui éludent systématiquement les "e". Sur ce point, je ne suis pas d'accord étant donné l'époque où se situe l'action.
L'e "muet" est caractéristique du français classique : contrairement au français actuel et comme son nom l'indique, il n'était pas prononcé au milieu du 20ème siècle, en témoignent les innombrables films et enregistrements de l'époque. Mais je ne suis pas certain que cet "accent" ait été voulu par le librettiste et le compositeur.
Serions-nous particulièrement difficiles ou ignares ? Les applaudissements du public étaient plutôt nourris mais nous n'avons pas eu l'envie de rester jusqu'au dernier rappel.
Mais qui aime bien châtie bien : on continuera à s'intéresser à ce compositeur en lui souhaitant de ne pas devenir le "gendre idéal" de la musique, l'Ambroise Thomas du 21ème siècle !
Certains pensent qu'être passionné de musique contemporaine ne peut être qu'une forme de snobisme puisqu'ils leur semble impossible d'aimer sincèrement cette soi-disant musique !
Pourtant cette passion n'est pas aveugle et ne rend pas sourd ! A la longue, notre écoute s'affine, s'élargit et on finit par s'autoriser à critiquer fortement tel compositeur qu'on avait pourtant jusque-là beaucoup aimé.
Il en est ainsi de Bruno Mantovani.
A plusieurs reprises dans ces c'roch'notes (ici par exemple^) on a dit tout le bien qu'on en pensait, la magnificence de son écriture orchestrale, la beauté du choix des timbres, la séduction immédiate que procurait ses nombreuses compositions. A chaque fois cependant on y mettait un discret ♭ en craignant qu'il frôle le génie sans jamais l'atteindre.
Nous attendions donc avec une grande impatience la création de son opéra "Akhmatova^" dont le livret évoque des pans de la vie de cette poétesse russe qui vécut pendant la noire période du stalinisme. Nos places étaient réservées depuis longtemps à la Bastille et nous avions pris soin de ne lire aucune critique de la première. J'avais d'ailleurs à plusieurs reprises coupé la radio pour ne pas écouter les chroniqueurs qui se proposaient d'en parler, afin d'y aller sans aucune idée préconçue qui aurait pu en fausser l'écoute.
Quelle déception !
La luxuriance de l'orchestration est toujours là mais on comprend vite que ce sont toujours les mêmes formules, les mêmes tics d'écriture tout au long du spectacle : aucune variation, aucun changement de ton, aucune surprise.
Inlassablement, l'orchestre se fait discret pendant le chant pour reprendre et ponctuer violemment chaque fin de phrases à grands coups de tutti et de percussions stériles.
Régulièrement s'interposent quelques interludes plus calmes, de courtes gammes ascendantes ou descendantes des différents groupes d'instruments, séduisants au début puis toujours semblables à eux-mêmes.
Ce qui pourrait être intéressant pendant les premières scènes tourne au procédé systématique, devient vite lassant, puis franchement ridicule quand ça dure deux heures ... et qu'on les attend.
Même quelques interventions bienvenues de l'accordéon n'arrivent pas à nous toucher.
Quant au chant ... Là aussi, aucune imagination, aucune variation, aucune mise en valeur des voix, c'est morne et ennuyeux. C'est comme si Berio, Stockhausen, Aperghis, etc. (sans parler de tous les grands anciens) n'avaient jamais existé. Ou que Mantovani n'avait tiré aucun enseignement de ceux qui l'ont précédé, ou qu'il ne les avait jamais entendus ... à moins qu'il n'ait décidé de les ignorer superbement.
Comme pour l'accordéon, la tessiture du contre-ténor ne nous émeut pas, alors qu'il avait été si bien utilisé par Ligeti ou Eötvös.
La mise en scène et les décors, malgré quelques trouvailles, n'ont pas sauvé la soirée. Soulignons cependant la qualité du livret.
Certains critiques ont trouvé ridicule la diction des chanteurs, qui éludent systématiquement les "e". Sur ce point, je ne suis pas d'accord étant donné l'époque où se situe l'action.
L'e "muet" est caractéristique du français classique : contrairement au français actuel et comme son nom l'indique, il n'était pas prononcé au milieu du 20ème siècle, en témoignent les innombrables films et enregistrements de l'époque. Mais je ne suis pas certain que cet "accent" ait été voulu par le librettiste et le compositeur.
Serions-nous particulièrement difficiles ou ignares ? Les applaudissements du public étaient plutôt nourris mais nous n'avons pas eu l'envie de rester jusqu'au dernier rappel.
Mais qui aime bien châtie bien : on continuera à s'intéresser à ce compositeur en lui souhaitant de ne pas devenir le "gendre idéal" de la musique, l'Ambroise Thomas du 21ème siècle !
1 commentaire:
Et puis du sixième étage de l'opéra Bastille on peine un peu à se sentir vraiment concernés par ce qui se joue si loin... A noter la magnifique vue du soleil couchant sur Paris vue à l'entracte depuis le septième étage...
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